Chassée pour sa fourrure, elle avait disparu du secteur depuis les années 1970
Il ne l’a pas vue, mais elle est bien là. Ces excréments – appelés épreintes – en sont la preuve : la loutre fait son retour dans la vallée de la Dordogne. « Sentez-moi ça, ses épreintes ont une odeur particulière à base de poisson, son alimentation principale, et de miel. Quelque chose de sucré, n’est-ce pas ? » Christophe Audivert, technicien rivière au sein du Syndicat mixte d’études et de travaux pour l’aménagement et la protection de la rivière Dordogne, installé à Beynac-et-Cazenac, est intarissable sur le sujet.
Depuis un an et les premières découvertes de traces de vie de loutres à Vézac, la quête l’anime. « Nous avons aussi recueilli des empreintes, mais là, il ne s’agit pas de preuves, seulement de suspicions, car il peut y avoir une ressemblance avec des rats musqués ou des ragondins. »
Espèce protégée
Ces derniers mois, à pied, Christophe a prospecté en suivant le cours d’eau, de Vitrac jusqu’au Coux. Au total, il a trouvé 250 épreintes. Ces loutres arriveraient du Massif central, attirées par la bonne qualité de la rivière et du milieu. « Pour nous, il y a un enjeu écologique majeur, c’est bon signe pour la région que de les voir ici. » C’est également une belle récompense pour les mesures de protection de l’espèce prises durant les années 1970 pour la préserver du braconnage. « Elle était chassée pour sa fourrure, reprend Christophe. Même dans les années 1930, c’était déjà le cas. À l’époque, avec une loutre abattue, on pouvait gagner l’équivalent d’un smic, vous imaginez ? »
Éviter la consanguinité
L’autre enjeu des prochains mois, c’est l’éventuel rapprochement entre « nos » loutres et celles de Gironde, en provenance de Castillon-la-Bataille. Les spécialistes le souhaitent surtout pour provoquer un brassage génétique « qui empêcherait une consanguinité ». D’ailleurs, des signes de reproduction auraient été détectés du côté de Castels avec la présence de loutrons. Ces derniers sont également trahis par leurs épreintes particulières : « Les adultes mangent le poisson en entier, y compris la tête, alors que les petits se concentrent sur le ventre du poisson », précise le technicien. Prochainement, à Vézac, où il suspecte la présence d’une famille de loutres, Christophe installera un photo piège avec l’espoir de voir enfin l’animal, qui vit surtout la nuit. Sur son ordinateur, la page d’accueil montre encore la rivière, belle et paisible. « Mais dès qu’on aura une image de loutre, promis, on la mettra en fond d’écran. »